Arsène Woisard (1924-2006)

Arsène Woisard, numéro 58 au registre des maquis de Vabre. Étudiant. Chef de sizaine au groupe de mitrailleuses de la première section de la première compagnie.

  • 1924 : naissance le 24 octobre à Arry (Moselle).
  • 1932 : devient Pupille de la Nation après le décès de son père.
  • Décembre 1943 : entrée en Résistance (date revendiquée) aux Forces unies de la jeunesse patriotique.
  • Juin 1944 : montée au maquis de Vabre (date homologuée).
  • Septembre 1944 : incorporé au 12ème régiment de Dragons.
  • 1983 : nommé général de corps d’armée.
  • 1984 : départ à la retraite.
  • 1996-2002 : président de la Société d’entraide des membres de la Légion d’honneur.
  • 2006 : décès le 28 juin à Paris.

Grand officier de la Légion d’honneur. Grand croix de l’Ordre national du Mérite.

Homologué FFI, dossier disponible sur demande.

Cité dans le livre “Le Chargeur n’a que vingt balles”, pages 199, 200, 201.

  • Arsène Woisard : “Un certain Arsène Woisard naît en 1924 en Moselle dans cette partie de la Lorraine qui vient de redevenir française. Bien des familles, dont la mienne, se remettant mal de l’annexion qui les a divisées entre ceux qui, en 70, optèrent pour la France et les autres attachées à la terre et devenus Allemands. Mon père, “malgré nous”, a servi le Kaiser et sa disparition fit de moi un Pupille de la Nation française puisqu’il fut réintégré de plein droit dans la nationalité française. Les souvenirs de cette époque sont dominés par ceux des réunions de familles retrouvées mais pas obligatoirement réconciliées. J’entends encore un oncle, archétype de l’ancien combattant français, me lancer : “Ton père a servi les boches !” Au résultat, lorsqu’éclate la guerre en 1939, j’éprouve une haine viscérale pour tout ce qui est allemand et place au plus haut degré l’armée française que l’on représentait toujours comme la seule à qui revenait la victoire de 1918. La surprise et la déception n’en furent que plus vives en mai et juin 1940. Surpris par la rapidité des avances allemandes, il fallut renoncer à rejoindre la partie du territoire français réputée libre. En juillet 1940, je deviens donc ressortissant allemand. Ma mère qui recherchait les moyens de m’empêcher de servir les allemands fut tout compte fait plutôt satisfaite en novembre 1940. À cette époque tous les alsaciens mosellans de langue et de tradition française furent placés devant le dilemme : soit être déportés en Pologne soit partir en France. Et le 13 novembre, mon village tout entier, sauf le curé nommé Müller, nanti de 20 kilos de bagages et de 2000 francs par personne, s’embarque en troisième classe dans la gare de Metz avec un document allemand précisant que nous partions volontairement pour la France. Un long voyage vers le sud amène notre wagon à Luchon. L’hiver y fut rude par la température et les restrictions. Mais au printemps, bénéficiant de possibilité de regroupement familial, nous rejoignons une partie de la famille à Puylaurens, véritable pays de cocagne. Et puisqu’il fallait bien continuer les études, c’est tout naturellement le lycée Jean-Jaurès de Castres qui m’accueille. Il faut dire que l’accueil reçu en “zone libre” s’avérait mitigé. Nous étions des expulsés et non des réfugiés. D’ailleurs la plus grande partie de ceux-ci avait rejoint leurs pénates sauf ceux du nord, “zone interdite”. L’annexion des trois départements français n’a jamais été portée à la connaissance des français, si ce n’est par Radio-Londres. En juin 1942, je suis arrêté par des gendarmes de Puylaurens, emprisonné à Albi puis jugé à Castres 15 jours après pour “lacération d’affiche apposée au nom du gouvernement, outrages au chef de l’Etat et menées antigouvernementales”. Il s’agissait d’affiches représentant Pétain. Par chance, les juges lorrains me relaxeront pour avoir “agi sans discernement”. Début 1944, au collège, la Résistance s’organise et un professeur de maths entreprend de me faire organiser des cellules de résistance sur le modèle communiste du trois par trois et ce dans le plus grand secret. Ce fut une vaste rigolade car il ne s’écoula que peu de jours avant que tout le monde sache quels étaient les responsables de l’organisation. Sur un plan un peu plus sérieux se pratiquaient quelques aides à la Résistance naissante (courrier, transport et diffusion de tracts). Enfin vint le 6 Juin et le bouche à oreilles d’une levée en masse en direction des maquis de la région du Sidobre, de la Montagne noire et de Vabre. En fait, ce fut tout le contraire du Cid et de notre classe de Math Elem, nous fûmes seulement deux à rejoindre Vabre… A Vabre, après l’hôtel “bureau de recrutement”, c’est le contrôle et la première nuit passée dans le poste tenu par les policiers toulousains. Ma première arme est un fusil de chasse calibre 16 à broches. Ma trentaine est conduite par le chef Georges. Au ravitaillement dominait le roquefort sans pain. Progressivement, une organisation plus élaborée avec un chef de section officier d’active. Il s’efforce de nous donner un minimum de formation militaire, créant une réelle cohésion. Je me retrouve “chef de sizaine”, en clair brigadier chef de pièce de mitrailleuse 30, au maquis de Campsoleil. Quelques flashs souvenirs : les raids réquisition de tabac en camionnette pilotée par un déserteur allemand, le parachutage du commando américain, puis d’une équipe de radio comportant un officier britannique, les parachutages de matériel dont l’un voit l’arrivée inopinée des allemands, les préparatifs pour porter secours à d’autres groupes. Tout ceci terminé par de vigoureuses séances d’entraînement militaire, puisqu’il y a enfin des armes et des instructeurs. À noter un souvenir impérissable : le parachutage de mitrailleuses VS de calibre 30 sans aucune notice. Arme qui fut trimballée avec ses munitions en bande d’étoffe, pendant de longs jours avant de connaître les arcanes du démontage et de la feuillure. Début septembre nous prenons conscience d’appartenir enfin à un ensemble cohérent, le CFL 10. C’est la Libération de Castres sans tirer un coup de feu, sauf pour ma mitrailleuse afin d’empêcher des prisonniers allemands de s’évader du terrain de rugby. Ma sizaine reçoit le baptême du feu en tenant une embuscade dans laquelle tombe un détachement d’aviateurs évacuant Toulouse. Après, tout est simple, si on peut dire… Le commandant Hugues quitte rapidement Castres, l’ex CFL 10 devient Corps Franc Bayard, puis 12ème Dragons et rejoint la Première Armée. Les flashs, souvenirs, n’ont plus la douceur des nuits d’été des monts de Vabre, c’est la guerre, la vraie, dans le froid et la pluie avec des équipements inadaptés et insuffisants. L’instruction blindée sur Brenn-Carrier, la perception de chars légers Hotchkiss H40 récupérés sur les Allemands. Après la traversée du Rhin, et la poursuite à travers la Forêt noire, c’est le 8 Mai un festival de tirs de mitrailleuses à balles traçantes au-dessus du lac de Constance. Nous percevons enfin du matériel moderne : il comporte des casques plats typiques des tommies anglais, et des chars de commandement avec des canons factices en tôle. Et pour finir : je quitte l’armée en 1994, général de corps d’armée, inspecteur de l’armée blindée cavalerie, titulaire de quelques décorations… dont la médaille en or de la Bundeswehr !”

Sources : Amicale des maquis de Vabre, Service historique de la Défense, Bastian éditions.