Des maquis du secteur (C.F.L. 10)

Dans la nuit du 7 au 8 août 1944, les maquis de La Roque et Lacado, et le terrain de parachutage “Virgule” sont attaqués par une colonne blindée allemande (voir témoignages sur cette attaque).

Rapport général sur l’attaque du 8 août 1944
             RAPPORT GÉNÉRAL SUR L'ATTAQUE DU 8 AOUT 1944
      DU LIEUTENANT COMMANDANT LA COMPAGNIE M.H. [Marc Haguenau]

TERRAIN DE PARACHUTAGE : Vers 4 h. 45, le ramassage des containers étant
commencé, je suis descendu sur la route, en particulier pour m'occuper
de la distribution d'un casse-croûte et du départ des baliseurs et de la
première section. Le Capitaine Paul Roux venait de partir en emmenant
les parachutistes et en disant à la garde qu'elle pouvait se replier. Un
homme était parti prévenir les hommes de la première section qu'ils
pouvaient replier les pièces. A ce moment, on m'a signalé des bruits de
chenillettes sur la route du col de la Bassine. J'ai immédiatement
envoyé une estafette prévenir la garde de ne pas quitter ses positions
ou de les reprendre si elle les avait quittées. J'ai fait arrêter le
ventilateur du camion qui devait emmener la première section et fait
camoufler les autres. L'intendant Nanette [Maurice Mirouse] et son
collègue étaient partis depuis quelques minutes et nous n'avions entendu
aucun bruit de fusillade. Nous entendîmes alors distinctement arriver un
ou plusieurs camions, puis le bruit disparut, probablement par suite de
l'effet de masque d'un tournant. Nous avons supposé que c'était un
camion ami arrêté par le premier homme de garde.

        Brusquement, une fusillade nourrie de mitrailleuses et de
mitraillettes, éclata dans la direction Viane. J'ai envoyé immédiatement
une estafette dans la direction Lacaze pour prévenir la 2ème
mitrailleuse de quitter son poste sur la route et de se replier au-
dessus de la route, pour pouvoir protéger le terrain. Je me portai
ensuite aussi vite que possible dans la direction du premier poste, d'où
venait la fusillade. A 100 mètres de l'endroit où se trouvait la
mitrailleuse, j'entendis distinctement des voix parlant en allemand et
donnant des ordres. La fusillade s'était tue complètement, mais avant
que je puisse me porter sur le terrain, le convoi qui se trouvait en
contre-bas et masqué complètement à la vue et au son par le talus,
passait devant moi. Tout était toujours complètement silencieux.

       Au bout d'un moment d'attente, je lançais l'appel scout au
sifflet tout en étant persuadé que les hommes qui servaient la pièce
avaient été embarqués. A cet appel, les 2 hommes qui avaient pu se
planquer dans le fossé surgirent et me dirent qu'ils n'avaient entendu
rigoureusement aucun bruit, et que tout à coup, à bout portant, une
forme qui avançait si lentement qu'ils l'avaient prise au début pour un
camion arrêté, ouvrait le feu sur eux. Ils basculèrent immédiatement
dans le fossé et entendirent toutes les rafales passer au-dessus d'eux.

       Les 3 hommes de garde par contre, qui se trouvaient en avant,
avaient été vraisemblablement embarqués silencieusement. Ces 3 hommes
ont rejoints par la suite, mais paraissant nettement fautifs de ne pas
avoir tiré. Ils étaient en train de se replier, n'ayant pas encore été
touchés par mon ordre de remise en position. Ils se croyaient à une très
faible distance de la mitrailleuse, mais masqués d'elle par un tournant.
Ils avaient entendu la fusillade de Nanette, que ni la mitrailleuse, ni
les hommes du camion n'avaient entendue, et ils avaient tout de suite
compris que c'était une attaque allemande. Persuadés que la mitrailleuse
avait entendu cette fusillade, ils avaient jugé inutile de tirer eux-
mêmes et s'étaient planqués dans le fossé (d'où ils ont rejoint
Saussonnières et nous ont rejoint ultérieurement). Ils auraient pu
ouvrir le feu et atteindre le premier véhicule allemand qui était une
voiture mitrailleuse découverte, genre A.M. découverte du désert, au
lieu d'être surpris à bout portant par le feu adverse. Je compte faire
une enquête complémentaire et demander des sanctions et,
éventuellement,, passation en conseil de guerre. 

Ce rapport est antérieur à la découverte du corps de Gilbert Bloch (Lt Patrick) et très antérieur à plusieurs témoignages tardifs importants, civils ou maquisards, qui expliquent l’absence de certains au point de ralliement convenu.

[…] je me rends compte que le convoi va fondre dans un instant sur Gilbert et mes camarades […] je suis incapable de réfléchir… je reste là exposé au regard et au feu de l’ennemi… je tire en l’air afin que la détonation alerte mes camarades… les blindés me dépassent : ils avaient sans doute reçu instruction de ne pas ouvrir le feu prématurément pour maintenir jusqu’au bout l’effet de surprise […] la seule impression dont je me souvienne est une immense fatigue […]
Le lendemain, après avoir découvert sur les lieux du combat les ruines encore fumantes de notre ferme, nous sommes partis à la recherche de ceux d’entre nous qui n’avaient pas rejoint la veille, le point de ralliement convenu. C’est moi, je crois, qui ai aperçu le premier au pied d’un arbre le corps de Gilbert, dans la position du tireur couché, ses plaies couvertes de mouches. Il a fallu cinquante ans, et votre insistance, pour que je parvienne à écrire cela.

Jérôme Lindon dans une lettre à Pol Roux, 1994

A noter au sujet du “Conseil de Guerre” : C’est aussi en 1994 que 3 maquisards de la 2ème Compagnie (dite “Marc Hagueneau”) ont envoyé, sous des formes quasi semblables, le témoignage suivant :

Après l’attaque sur Virgule, Castor nous a réunis. Il a ouvert sa bible et nous a lu le passage suivant :


Lorsque tu sortiras pour combattre tes ennemis et que tu verras des chevaux, des chars et un peuple plus nombreux que toi, tu ne les craindras pas […] car l’éternel votre Dieu marche avec vous, pour combattre pour vous contre vos ennemis afin de vous sauver […] Les officiers parleront ensuite au peuple, et ils diront : Qui est-ce qui a peur et manque de courage ? Qu’il s’en aille et retourne dans sa maison, afin que ses frères ne se découragent pas comme lui […]


Ce passage se trouve au chapitre 20 du Livre du Deutéronome.

Un des maquisards a ajouté à son témoignage :

Aucun d’entre nous n’est parti.